AVERTISSEMENT

AU CHASSEUR ENTRANT DANS LA FORET

Que ce soit Roërich de Russie
qui l'ait donné
accepte-le.
Que ce soit Allal-Ming-Sri-Isvara du Tibet
qui l'ait donné
accepte-le.

JE SUIS AVEC LUI

Au lever du soleil, je te trouverai déjà éveillé,
Ô chasseur !
Armé de ton filet, tu entreras
Dans la forêt. Tu t'es préparé.
Tu es lavé, alerte.
Ton vêtement ne te gêne pas.
Ceints sont tes reins
et libre ta pensée.
Oui, tu t'es préparé
et as dit adieu au maître de maison.
Ô chasseur, tu en es venu à aimer la forêt
Et, par ta chasse, tu feras du bien à ton clan.
Tu es prêt à sonner du cor.
Tu as choisi pour toi une noble proie
Et n'en crains pas le poids.
Béni ! Béni ! Toi qui es entré !
Tes filets sont-ils solides ?
Les as-tu renforcés pour un labeur prolongé ?
Les as-tu éprouvé avec des coups répétés ?
Es-tu joyeux ?
Et ton rire devrait-il effrayer une partie du gibier,
Ne crains rien
Mais ne fais pas s'entrechoquer tes armes
Et n'appelle pas à haute voix les chasseurs.
Ah ! Serais-tu maladroit,
De chasseur, tu deviendrais rabatteur
Et même le chasseur serait ton maître.
 

Rassemble la connaissance
Surveille la piste.
Pourquoi regardes-tu autour de toi ?
Sous la pierre rouge, se trouve le serpent rouge
Et la mousse verte dissimule la verte vipère,
Sa piqûre est fatale.
Depuis ton enfance, on t'a parlé de serpents et de scorpions -
Tout un enseignement de peur !
Maints bruissements et sifflements viendront jusqu'à toi
Un frôlement rampera près de tes pas.
Des hurlements te perceront l'oreille.
De vers de terre, ils s'enflent en baleines
Et la taupe se transforme en tigre.
Mais tu connais l'essentiel, Ô chasseur !
Tout ceci n'est pas pour toi.
À toi la proie !
Hâte-toi ! Ne tarde pas, toi qui es entré !
Ne gaspille pas tes filets sur le chacal.
Le chasseur connaît sa proie.
Il te semble que tu en savais beaucoup hier,
Pourtant tu ne sais pas qui a construit les cercles de pierre
En lisière de la forêt.
Que signifient-ils ?
Et pour qui
Le signe d'avertissement sur le grand pin qui domine ?
Tu ne sais même pas qui a rempli de crânes le ravin
Dans lequel tu as jeté un regard.
Même si tu étais en danger,
Ne descends pas dans le ravin et ne te caches pas derrière un arbre.
Tes voies sont innombrables et l'ennemi n'en a qu'une.
De poursuivi, deviens, toi, l'attaquant.
Comme ils sont forts les accusateurs
Et comme sont faibles ceux qui veulent se défendre !
Laisse aux autres la défense de soi,
Toi, attaques.
Car tu sais d'où tu es venu
Et pourquoi tu n'as pas peur de la forêt.
 

O sacrée, et redoutable,
et bénie forêt,
Laisse passer le chasseur !
Ne le retiens pas.
Ne cache pas les chemins et les pistes.
Ne l'effraies pas,
Car je sais qu'en toi retentissent de multiples voix.
Mais tes voix, je les ai entendues,
Mon chasseur prendra sa proie.
 

Et toi, chasseur, connais ta proie.
Ne crois pas ceux qui t'appellent.
N'écoute pas à ceux qui parlent.
Toi, toi seul, connais ta proie.
Tu ne choisiras pas un petit gibier.
Et tu ne seras pas retenu par les ombres.
Qui doute est déjà la proie de l'ennemi
Qui se laisse distraire perd ses filets.
Et qui les a perdus s'en retourne bredouille.
 

Mais toi, chasseur, avance !
Tout ce qui reste en arrière n'est pas pour toi,
Et tu sais ceci aussi bien que moi.
Car tu connais tout
Et tu peux te rappeler toutes choses.
Tu sais ce qu'est la sagesse,
Tu connais le courage,
Tu sais ce qu'il faut chercher
Et tu as traversé le ravin pour monter sur la montagne.
Les fleurs du ravin ne sont pas tes fleurs
Et le ruisseau en bas ne chante pas pour toi.
Tu trouveras des cascades étincelantes
Et des sources pour te rafraîchir.
Devant toi fleurira la bruyère du bonheur,
Elle ne fleurit que sur les hauteurs
Et la meilleure chasse ne se trouve pas
Au pied de la colline
Mais la proie se réfugie sur la crête.
Flamboyante dans les cieux, s'élevant au-dessus du sommet
Elle s'arrêtera
Et regardera autour d'elle.
Alors ne tarde pas :
C'est ton heure.
Toi et ta proie, vous serez au sommet
Et ni toi ni elle ne voudrez descendre plus bas.
 

C'est ton heure.
Mais, en jetant ton filet, tu sais
Que tu ne conquiers pas.
Tu n'as pris que ce qui est à toi.
Tu ne te considères pas comme le vainqueur.
Car tous sont vainqueurs, bien qu'ils ne s'en souviennent pas.
Je t'ai amené aux larges rivières
Et aux lacs sans limites,
Et t'ai montré l'océan.
Celui qui a vu l'infini ne se perdra pas dans le fini,
Car il n'y a pas de forêt infinie
Et l'on peut contourner n'importe quel marais, chasseur !
Ensemble, nous avons tissé tes filets,
Ensemble, nous avons cherché les chasseurs,
Ensemble, nous avons choisi les meilleurs sites pour chasser
Ensemble, nous avons évité le danger,
Ensemble, nous avons tracé notre route.
Sans Moi, tu n'aurais pas connu l'océan;
Sans toi, Je ne connaîtrais pas la joie de la chasse victorieuse.
Je t'aime, mon chasseur !
Et je donnerai ta proie aux Fils de Lumière.
Te tromperais-tu,
Descendrais-tu pour un temps dans le ravin
Regarderais-tu les crânes en arrière,
Perdrais-tu par ton rire une partie du gibier
Je sais que, pourtant, tu vas inlassablement à la chasse,
Que tu ne te décourages pas et ne perdras pas ton chemin.
Tu sais comment retrouver la piste d'après le soleil
Et, d'après les tourbillons, reprendre ta route.      
Mais, qui l'a embrasé, le soleil ?
Et qui l'a amené ici, le tourbillon ?
Je te parle depuis la sphère du soleil,
Moi, ton Ami, ton Instructeur et Compagnon de route.
 

Que les chasseurs et les chefs des rabatteurs soient amis.
Après la chasse, te reposant sur la colline,
Appelle à toi les chasseurs et les chefs des rabatteurs.
Dis-leur comment tu es allé sur la montagne
Et pourquoi le chasseur ne doit pas rester tapi dans les ravins,
Comment, sur la crête, tu as rencontré ta proie
Comment tu sais que cette proie est à toi
Comment il faut laisser de côté tout petit gibier
Car celui qui traîne restera avec lui.
Dis-leur aussi comment le chasseur
Porte sur lui tous les signes de la chasse
Comment lui seul connaît son art et sa proie.
Ne parle pas de chasse à ceux qui ne connaissent pas la proie.
A l'heure du trouble, à l'heure des ténèbres,
Ils s'engageront comme rabatteurs
Et, dans les fourrés, prendront part à la chasse.
Chasseur, reconnais les chasseurs;
Bois avec eux l'eau près du feu de l'étape.
Comprends, ô toi qui peux comprendre.
Ayant terminé ta chasse,
Répare tes filets et prépare une nouvelle course
Ne crains rien, ne cherche pas à faire peur.
Car, t'effraierais-tu, une peur plus grande encore
S'abattrait sur toi.
Simplement prépare.
Car tout est simple.
Tout est beau.
Beau est ce qui se prépare
Toute peur tu conquerras
Par ton essence invincible.
 

Mais, devrais-tu te mettre à trembler, alors défait
Et réduit à néant,
Que tu cries ou que tu te taises,
Ayant perdu la conscience du temps, de l'espace, de la vie,
Tu perdrais ce qui te reste de volonté.
Où fuirais-tu alors ?
Pourtant, si l'un quelconque des leaders exténués
Te met en garde contre la chasse,
Ne l'écoute pas, Ô mon chasseur !
Ceux qui ont le doute pour bouclier
Affaiblissent la volonté.
Quelle sera leur chasse ?
Qu'apporteront-ils à leurs clans ?
Un filet vide encore ?
Encore des désirs non réalisés ?
Perdus sont-ils, comme perdu est leur temps précieux.
Le chasseur vit pour chasser.
Ne prête pas attention aux heures de fatigue.
À ces heures, tu n'es pas le chasseur,
Tu es la proie !
 

Le tourbillon passera
Toi, garde le silence.
De nouveau, prends ton cor
Sans tarder, sans craindre d'être en retard.
Quand tu atteins ton but, ne te retourne pas.
Tout ce qui est compréhensible est incompréhensible,
Où est la limite aux miracles ?
 

Une dernière recommandation, O mon chasseur !
Si, le premier jour de chasse,
Tu ne trouvais pas ta proie,
Ne t'afflige pas,
La proie vient vers toi.
 

Celui qui sait, cherche.
Celui qui acquiert la connaissance réalise.
Celui qui a trouvé
S'étonne d'une capture si facile.
Celui qui a saisi chante des hymnes d'accomplissement.
Réjouis-toi, Réjouis-toi, Réjouis-toi !
Ô chasseur, trois fois appelé.
15/04/1921 Chicago