AGNI YOGA
Pèlerinage spirituel
par IRINA H. CORTEN
Article publié en 1986 par le Musee Roerich de New
York (http://www.roerich.org).
Son titre original est "Fleurs de Morya : Le Theme du Pèlerinage
spirituel dans la poésie de Nicolas Roerich."
Cet article a été rédigé par (et est publié avec l'aimable autorisation de)
Mme Irina H. Corten, Ph.D.
Associate Professor of Russian literature and culture at the University of
Minnesota, U.S.A.
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INTRODUCTION
Le nom de Nicolas Konstantinovitch Roërich (1874-1947), le peintre russe renommé, est connu dans le monde entier. Roërich est aussi largement reconnu comme savant, philosophe et humaniste. Mais il existe un secteur de son activité créatrice qui est resté ignoré jusqu'à ces derniers temps - c'est sa poésie. En 1921, un éditeur de Berlin a publié un ouvrage intitulé Tavety Morii (Les Fleurs de Morya) contenant soixante-quatre poèmes en vers libres que Roërich a écrit entre 1907 et 1921 ; certains d'entre eux avaient paru auparavant dans des périodiques russes pré-révolutionnaires (par exemple Vesy, Zolotoe Runo). Mais à cause du bouleversement politique et social des années 1920 en Russie, le livre passa inaperçu et ne fut redécouvert que longtemps après. En 1974, la collection de poèmes de Roërich fut pour la première fois publiée en Union Soviétique. Elle porte le titre de Pismena qui, en russe moderne, signifie Hiéroglyphes ou toute sorte d'écrits anciens. Le terme a été originellement employé par Roërich pendant qu'il préparait ses poèmes pour leur publication ; il suggère que les poèmes contiennent des messages de l'antique sagesse.
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LE CHRONOTOPE
Au cœur du système de croyances de Roërich se trouve le concept hindou d'un univers sans commencement ni fin qui se manifeste par des cycles récurrents de création et dissolution de formes matérielles causées par la pulsation de l'énergie divine. Sur le plan humain, ceci signifie le surgissement et la chute de civilisations et, en termes de vie individuelle, la réincarnation d'une âme (un fragment de la conscience divine) dans une succession de corps jusqu'à ce qu'elle soit assez mûre pour se libérer de l'attachement à une forme physique. Une telle âme libérée peut choisir de s'unir pour toujours à sa source divine ou de continuer à s'incarner dans le but d'aider d'autres êtres à devenir illuminés. L'illumination, dans ce contexte, signifie la réalisation par l'âme de sa divine origine éternelle, sa reconnaissance d'un principe divin uniforme dans toute la création et l'état qui en résulte d'harmonie intérieure, d'amour et de joie. Dans chaque vie, une âme a le potentiel de réalisation de soi, mais l'ignorance, la concupiscence, l'avidité et autres imperfections humaines de son "possesseur" l'empêchent d'y parvenir. Afin de surmonter ces obstacles, elle gravite vers le guide (gourou). Ce mot sanscrit signifie exactement une force spirituelle qui guide vers l'illumination. L'on pense que le guide existe en une variété de formes - comme un sage avec une âme libérée, comme un avatar (incarnation anthropomorphique de la force divine, une divinité) ou comme le Soi supérieur de l'aspirant spirituel. Par le fait, c'est ce dernier que l'on pense posséder le plus grand pouvoir libérateur et un voyage spirituel consiste, en essence, à apprendre à écouter et à suivre la voix du guide intérieur. Voilà certains des concepts-clé de l'idéologie de Roërich, et notre tâche consiste à voir comment il leur donne une expression artistique dans ses poèmes.
EMPLOI DE L'ESPACE ET DU TEMPS
Avant d'examiner ce chronotope, nous devons comprendre les principes généraux de l'utilisation par Roërich des catégories de temps et d'espace. En littérature, il peut exister différents types de temps. Le lecteur moyen est probablement plus familier avec ce que Bakhtin appelle le temps historique (montrant une succession d'événements historiques dans une atmosphère véridique), le temps biologique (montrant les processus naturels de naissance, maturation et mort) et le temps quotidien (montrant la vie de tous les jours des gens) ; dans la fiction réaliste on trouve souvent ces variétés de temps. Mais le temps de Roërich n'est pas d'ordre historique ni biologique, bien que l'histoire et la nature ne soient pas étrangères à sa perception du monde. Ses sujets sont humains et donc soumis aux lois du temps et de l'espace matériels qui gouvernent tous les êtres vivants ; toutefois, cet aspect de leur existence n'est pas primordial. En lisant ses poèmes, l'on n'est pas conscient de se trouver à une époque particulière ou dans un environnement où les choses se passent dans un ordre chronologique familier et que l'on peut prédire. Roërich ne s'intéresse pas à l'œuvre du temps "réel", concret, parce que son cadre de référence est la somme totale du temps ou éternité. Dans "O vechnom" ("À l'Eternel"), le héros demande à son ami d'oublier leur discussion, en disant :
Frère, abandonnons
ce qui change rapidement.
Autrement nous n'aurons pas le temps
de tourner nos pensées vers ce qui
jamais ne change, de penser
À l'Eternel.
Roërich avertit le lecteur de reconnaître l'insignifiance des préoccupations temporelles en face de l'éternité. La même idée est exprimée dans "V zemliu" ("Dans la terre"). Ici l'on décrit un enterrement ; les parents pleurent le défunt, mais le prêtre dit à l'un d'entre eux, un jeune aspirant spirituel, de ne pas se désoler car la mort du corps n'affecte pas la vie éternelle de l'âme. Paraphrasant un passage du grand poème épique indien, la Bhagavad Gita, le prêtre s'adresse à l'âme libérée en ces termes :
"Toi, l'ancien, impérissable,
Toi, immortel, éternel,
Toi qui luttes pour les hauteurs
Joyeux, renouvelé."
Roërich voit la réincarnation des individus et la "réincarnation" des civilisations comme une manifestation de l'éternité. Dans "Sviashchennye znaki" ("Signes sacrés") il parle de "l'étincelle de vie et de mort" par laquelle les environnements humains sont créés, détruits et recréés et l'histoire est faite, oubliée et restaurée dans la mémoire au fur et à mesure que passent les générations. Le même thème de la vie comme processus cyclique sans fin est repris dans "Lakshmi pobeditel'nitsa" ("Lakshmi la conquérante"). Le poème est une adaptation d'un mythe hindou sur deux divinités, les frères et sœur Lakshmi et Shiva, la première représentant le bien et le second le mal. Ces antagonistes dépendent l'un de l'autre car comme Lakshmi engendre des bienfaits pour l'humanité, Shiva les détruit, permettant ainsi à la première de reprendre son travail. Ainsi le pendule cosmique va et vient, fournissant un contraste avec le mouvement unidirectionnel vers le haut de la croissance spirituelle individuelle.
CIRCULARITÉ
Mais pendant la nuit tout s'est obscurci.
En vérité, le jour avait été long.
Longue et sombre fut la nuit.
Puis vint le matin parfumé,
Frais et merveilleux,
Illuminé par ce nouveau soleil.
J'oubliai et fus privé de ce
Que j'avais accumulé.
Ainsi l'âme doit surmonter l'ignorance et l'oubli qui bloquent son chemin de retour ; les détails de cette difficile expérience constituent le sujet de Hiéroglyphes.
1. PREMIÈRE RECHERCHE
Des routes. Ou dans les fleurs.
Ou dans les eaux de la rivière.
Nous pensons les trouver
Dans la voûte de nuages,
À la lumière du soleil
À la lumière de la lune
… devons-nous chercher
Il est difficile de discerner
Le chemin. Indistincts les traces.
Où peuvent-ils être
Les Signes Sacrés ? Aujourd'hui peut-être
Nous ne les trouverons pas.
Mais demain il fera jour.
Je sais
"Gardien, dis-moi pourquoi
Fermes-tu cette porte ?
Que gardes-tu inlassablement ?"
"Je garde
Le secret de la quiétude"
"Mais la quiétude est vide.
Des gens dignes de confiance
L'ont dit : 'Il n'y a rien'."
"Je connais le secret de la quiétude
Et j'ai pour mission de le garder"
"Mais la quiétude est vide !"
"Pour toi, elle est vide !" répondit le gardien du seuil.
Ce poème est le seul du premier cycle où un signe est révélé (bien que non compris). L'état de paix, dénué d'agitation, de souffrance et d'illusion, nous donne un avant-goût d'éternité, mais le héros n'est pas encore prêt pour entrer dans cet état (espace). Roërich emploie le terme pokoï qui signifie quiétude et aussi une pièce (chambre) tranquille; cette double signification crée une image chronotopique complexe, à la fois physique et métaphysique. L'espace qui est fermé au héros contient ce qu'il ne peut pas encore comprendre - l'idée étant que l'espace est défini par l'aperception que l'on en a. Ainsi, se mouvoir à travers l'espace devient identique au processus d'expansion de conscience et la frontière entre l'espace intérieur et extérieur, entre forme et contenu, s'efface.
Les composantes espace-temps du chronotope du voyage spirituel de Roërich acquièrent une troisième dimension, pour ainsi dire, à travers le discours. Deux types de discours sont à l'œuvre ici. Le premier est le "discours plein d'autorité", ce qui signifie la parole d'une autorité suprême (religieuse, philosophique, politique, etc.). "Son autorité était déjà reconnue dans le passé ... Il est donné dans les sphères élevées, non celles que l'on contacte habituellement. Son langage est un langage particulier (l'on peut dire, hiératique)." Le second type de discours est appelé "intérieurement persuasif". Il est "plus proche de la diction d'un texte en ses propres termes, avec son propre accent, gestes, modifications. La prise de conscience humaine, du point de vue de Bakhtin, est une lutte constante entre ces deux types de discours ; la tentative d'assimiler le discours empreint d'autorité dans son propre système et la libération simultanée de son propre discours à l'égard de la parole autoritaire".
Il s'est retiré dans sa chambre, dit-on.
Au matin le Roi s'est mêlé à la foule
Et nous ne le savions même pas.
Nous n'avons pas réussi à le voir.
Nous devions apprendre ses
Commandements.
dans "Le Mendiant"
Le guide vient à minuit - une heure qui, pour des services spirituels, est sombre et incompréhensible. Il va dans sa chambre (pokoï) - un espace encore inaccessible à ses disciples. Le reste du poème décrit en des images symboliques, chronotopiques, leurs efforts frénétiques de saisir l'insaisissable Maître. Ils s'élancent à travers la cité encombrée par la foule, cherchant l'empreinte de ses pas, se cognant aux passants, se perdent dans un enchevêtrement de ruelles. Juste au moment où il semble que les empreintes soient enfin devenues visibles, il se trouve qu'elles appartiennent à un mendiant aveugle. La traque continue dans le poème suivant, "Traces". Les chercheurs décident que le Tsar (Roi) est allé dans un bois et l'y suivent, rien que pour se retrouver allant dans une fausse direction. Dans le troisième poème, "Poverit' ?" ("Puis-je les croire ?") ils apprennent finalement le lieu où se trouve le Roi - il est en train de faire un sermon sur "la vieille place aux trois tours". L'image de la tour peut être interprétée comme élévation au-dessus de la vie ordinaire, et le nombre trois comme harmonie universelle. Les chercheurs s'empressent d'y aller, mais trouvent la place carrée et les rues adjacentes si pleines d'auditeurs qu'ils ne peuvent même pas entendre la voix du Roi. Ses paroles leur parviennent par relais, les phrases ayant été reconstruites et réinterprétées par beaucoup d'autres personnes. À la fin du poème, ils se demandent si ces paroles peuvent être acceptées comme faisant autorité. Ici, Roërich soulève une importante question philosophique - est-ce qu'un enseignement spirituel garde sa valeur après réinterprétation ou, en d'autres termes, est-ce que l'herméneutique sert un juste dessein ? On ne répond pas directement à la question, mais à partir de ce point, le héros cherche un contact personnel avec les figures du Guide, évitant même la compagnie de ses compagnons chercheurs. La rencontre individuelle avec un porteur de discours qui fait autorité devient maintenant un signe important de son chronotope.
Mais je désire toujours ardemment
Atteindre le sommet. …
Vos cordes me seraient d'un grand secours;
Mais, même seul,
Cherchant la relation "Je et Toi", il pénètre dans la sphère du discours intérieurement persuasif. Dans "K Nemu" ("A Lui") il trouve un ermite réputé être un porte-parole de Dieu. Anxieusement, il demande au saint homme quelle est la meilleure voie pour parvenir à Dieu et il lui est dit de renoncer à ce qui lui est le plus cher, à savoir la Beauté.
"Qui l'ordonne ?" demandai-je
"Dieu", répondit l'ermite.
2. LUEURS
Je n'aurai pas le temps
D'arriver à la maison. De toute la grâce,
Dans mes mains fermement serrées,
Je n'emporterai que des
Le héros est béni et choisi pour être l'un des messagers du Divin, mais il n'est pas encore à la hauteur de cette énorme tâche. Étant revenu du domaine du Divin, son état spirituel continue à vaciller. Parfois il se sent confiant dans sa mission de messager (vestnik), c'est-à-dire, de transmetteur de discours chargé d'autorité.
Réveille-toi, ô mon ami. Le message a été
reçu.
Fini, ton repos.
Je viens d'apprendre où l'on garde
L'un des Signes Sacrés.
de "C'est l'heure".
Et voilà, je ne sais pas, je ne peux pas.
Toi, qui viens dans le calme,
Dis en silence ce que je voulais dans la vie
Et ce que j'ai accompli.
de "Au matin".
Au-dessus de nous s'élevait la paroi.
En-dessous bleuissait un abîme
Ceci représente une impasse dans le chronotope du héros exprimée symboliquement par impossibilité de monter ou de descendre. Aucune parole empreinte d'autorité n'est encore devenue assez claire pour qu'il s'y conforme et il doit placer sa confiance sur un discours intérieurement persuasif basé sur la sagesse accumulée jusqu'alors. Dans ce poème, un tel discours s'exprime par une affirmation de foi :
Toi, le Puissant, présent en tout lieu et en
tout.
Tu nous éveilles à la lumière,
À la nuit, Tu nous glisses dans le sommeil,
Tu nous guides dans notre errance.
Sa quête entre à présent dans une phase plus personnelle et plus intense, et il se produit un changement correspondant dans l'imagerie spatio-temporelle. Les grands espaces ouverts du premier cycle sont remplacés dans le second cycle par des espaces fermés - une maison et un jardin dans "Zamechaiou" ("Je remarque"), un laboratoire dans "Otkroi" ("Ouvre"), un bureau dans "Ne udalialsia" ("Tu ne t'es pas éloigné"). Ces espaces protègent le héros des distractions et l'aident à s'orienter à l'égard de l'emplacement de la "chambre tranquille" (pokoï). Quant au temps, il est maintenant grandement individualisé et donne lieu à des rencontres sporadiques du héros avec le guide. Chacune de ses rencontres lui offre une occasion de se libérer de la conscience du temps par la contemplation de l'Eternel Présent, et le temps n'existe qu'en proportion de son incapacité à la faire. Le temps linéaire (du passé au présent et au futur) continue à gouverner sa vie aussi longtemps qu'il est conscient de ne pas avoir atteint son but.
Chaque matin, près de notre
rive,
Navigue un chanteur inconnu. …
Il nous semble que nous pourrons jamais
Savoir qui est
Ce chanteur, ni vers quoi il va
Chaque matin. Et pour qui
Chante-t-il son chant toujours nouveau ?
de "Pour nous ?"
Qu'il est difficile de deviner
toutes tes
Intentions ! Qu'il est malaisé de te suivre !
de "Sans avoir compris"
Viens, viens plus près de moi,
Etre radieux,
En rien, je ne t'effrayerai.
Hier tu voulais m'approcher,
mais mes pensées erraient et mon regard
Fuyait. …
Aujourd'hui
J'abandonnerai tout ce qui me gênait.
J'immergerai mes pensées dans le calme. …
J'attends. Je sais que tu
Ne m'abandonneras pas. Tu viendras
À moi. Ton image en silence
Je préserverai.
de "Je préserverai"
Comment verrons-nous Ton visage
?
Ce visage omniprésent,
Plus profond que les sentiments et l'esprit.
Impalpable, inaudible,
Invisible. J'en appelle
Au cœur, à la sagesse et au labeur.
L'enseignement, tel qu'à présent il le comprend, lui donne la connaissance que le Divin peut être atteint par l'amour, le discernement et le travail patient et discipliné.
Dans les deux derniers poèmes de ce cycle, le héros communie avec son guide intérieur et rend intérieurement persuasif une autre importante ligne de conduite pour l'accomplissement spirituel - la joie. Dans "Veselisia" ("Réjouis-toi") il s'adresse à son esprit morose :
Tu es riche, ô mon esprit. La connaissance
Vient à toi. L'étendard de lumière
Brille au-dessus de toi.
Dans le dernier poème "Ulybkoi ?" ("Par le sourire ?"), la même idée est reprise d'une façon moins solennelle, plus personnelle. Au point de vue du dialogue, ce poème a une structure intéressante, assez complexe, avec quatre participants - le Divin, le messager du divin, le héros en tant que disciple et le héros en tant que guide. Le héros reçoit, par le messager, le don divin de pouvoir guérir. Mais le messager ne sait pas comment le don opère et le héros doit le trouver par lui-même. Le disciple questionne en lui le Divin et le messager, mais ils ne parlent pas. Il en conclut alors que le pouvoir du don se trouve dans les larmes : "Chacune de mes larmes guérira les plaies du monde". Toutefois, de quelque manière, cette notion ne semble pas juste, et le Divin fournit une réponse silencieuse par la physionomie du messager. Le guide intérieur s'éveille et aide le héros à parvenir à une interprétation intérieurement persuasive :
Messager, mon messager, tu te tiens là
Et tu souris. Me donnerais-tu
L'ordre de guérir les malheurs
Par le sourire ?
Dans le chronotope du héros, la découverte de telles "perles de sagesse" devient de plus en plus fréquente et l'aide à faire la transition vers son nouveau rôle dans le cycle suivant.
3. JEUNESSE
J'ai un ami secret;
Tes craintes, il dissipera.
Lorsque tu t'endormiras
Je l'appellerai à ton chevet
Celui à qui appartient la puissance.
Il te chuchotera un mot.
Tu te réveilleras courageux.
Mais en règle générale, la parole juste surgit en lui, maintenant, de l'intérieur. Dans le premier poème du cycle, "Vechnost" ("L'éternel"), il dit au jeune garçon de ne pas retarder son pèlerinage.
Si tu traînes, cela signifie
Que tu ne sais pas encore que
Là se trouve le commencement, la joie
Le primordial et
Ces paroles expriment en peu de mots la signification du voyage de l'âme et ont le son de la vraie sagesse. À l'occasion, le héros démontre même la capacité, possédée seulement par les âmes les plus illuminées, d'investir des objets matériels d'un pouvoir surnaturel. Dans "Jezl" ("La baguette") il dit au garçon de casser la branche d'un arbre et de la porter devant lui :
À voir sous le sol, elle t'aidera,
Celle que je t'ai donnée :
Même si ceci doit être considéré comme une métaphore pour l'inspiration (la "baguette magique" qui transforme la réalité), il reste que la capacité d'inspirer est la marque d'un instructeur hautement qualifié.
Regardant ta vie passée,
J'aperçois de glorieuses victoires
Et combien de signes douloureux !
La victoire t'est destinée,
Si la victoire,
de "Tu veux"
Dans ce cycle, l'imagerie spatiale est, de façon prédominante, celle d'un endroit plein de monde - un lieu où les gens s'assemblent, se mêlent, jouent ou se battent. Dans les deux premiers cycles, l'auteur évitait un tel espace à cause de sa tendance à distraire et à fourvoyer, à engendrer un bruit qui noie la voix intérieure.
Dans la foule, il nous est difficile de marcher.
Tant de forces et d'envies hostiles. …
Nous irons à l'écart; …
Ils passeront à côté.
de "Le temps" (premier cycle)
Fais attention
En contactant la foule. Il est dur de vivre,
Mon garçon ; rappelle-toi l'ordre
De vivre, de ne pas avoir peur, d'avoir confiance,
De rester libre et fort.
Ensuite, tu réussiras aussi à aimer.
4. MAÎTRISE
qui l'ait donné –
accepte-le.
qui l'ait donné –
accepte-le.
Si, le premier jour de chasse,
Tu ne trouvais pas ta proie,
Ne t'afflige pas,
La proie vient vers toi.
L'espace à parcourir par le chasseur est semblable à ceux qui figurent dans les cycles précédents - quittant sa maison dans une vallée, il doit traverser une forêt et aller vers une montagne. Mais ces espaces sont maintenant présentés dans une nouvelle perspective.
O sacrée, et redoutable,
et bénie forêt !
Laisse passer le chasseur !
Ne le retiens pas.
Ne cache pas les chemins et les pistes.
Ne l'effraies pas,
Car je sais qu'en toi retentissent de multiples voix.
Dans les poèmes précédents, on ne trouve pas de description spécifique de la forêt. Elle apparaît comme un lieu énigmatique et menaçant, plein de barrières et de signes incompréhensibles pour un novice. Mais maintenant elle est vue par un homme de connaissance dont la vision est claire et les ressources développées. On nous donne une abondance de détails -flore et faune, collines et marécages, fourrés et clairières. Chacun de ces détails représente une leçon dans l'art de vivre : la peur des ennemis (serpents, scorpions, prédateurs) doit être vaincue, l'hésitation devant les obstacles (arbres, blocs de pierre) doit être surmontée, le piège des plaisirs faciles (cueillir des fleurs, boire à un ruisseau) doit être évité et ainsi de suite. Pendant qu'il est dans la forêt, le chasseur doit aussi apprendre à traiter avec d'autres êtres dont les motifs sont différents du sien. Comme dans la vie, la forêt est pleine de gens qui ne poursuivent pas des buts spirituels et qui "chassent" pour le sport, par ambition personnelle, ou pour des besoins matériels. Ils exposent leurs propres philosophies et le chasseur est averti de ne pas se laisser influencer et de n'écouter que la voix du guide intérieur.
Ne crois pas ceux qui t'appellent.
N'écoute pas à ceux qui parlent.
Toi, toi seul, connais ta proie.
Toutefois, on lui enseigne d'être tolérant envers les autres, aussi ignorants soient-ils, car leurs âmes aussi peuvent un jour s'éveiller.
Bois avec eux l'eau près du feu de l'étape.
Comprends, ô toi qui peux comprendre.
De nouveaux espaces attendent le chasseur à l'orée de la forêt. Le héros prophétise qu'il verra sa proie "flamboyant dans le ciel" au-dessus des plus hautes montagnes et qu'il la suivra là-haut. C'est la première et la seule fois que l'image d'un pèlerin au sommet apparaît dans Hiéroglyphes ; dans les poèmes précédents, on ne montre que le processus de l'ascension. À ce point, le chasseur contemplera des étendues d'eau :
Je t'ai amené aux larges rivières
Et aux lacs sans limites,
Et t'ai montré l'océan.
L'eau, en général, représente la purification et le renouveau. Les fleuves, qui coulent dans une direction spécifique, suggèrent la transition et le mouvement vers le but. Un lac, particulièrement dans la littérature indienne, sert souvent de métaphore pour la réflexion sur soi et la révélation ; l'océan représente l'univers. Parce qu'il a habité dans ces domaines, le chasseur sera libéré de l'ignorance et de l'illusion et deviendra lui-même un guide, car
Celui qui a vu l'infini ne se perdra pas dans le
fini,
Car il n'y a pas de forêt infinie
Et ainsi l'enseignement coule sans fin de génération en génération car l'achèvement du pèlerinage d'une âme se fond avec le commencement du suivant.
Réjouis-toi ! Réjouis-toi ! Réjouis-toi !
Ô chasseur, trois fois appelé.
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Dernière mise à jour : 11/02/2015